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que nous pouvons nous associer partout à la réalisation de ses pensées. Il part de l’homme pour expliquer le monde, non des lois de la nature pour expliquer l’homme. Il présuppose, par conséquent, dans les phénomènes de la nature, la même opposition entre les pensées et les actes, entre le plan et l’exécution matérielle, que nous rencontrons dans notre propre conscience. Partout nous apercevons une activité semblable à celle de l’homme. Il faut d’abord qu’il existe un plan, un but ; puis apparaissent la matière et la force qui doit la mettre en mouvement. On voit ici combien, en réalité, Aristote était encore socratique avec son opposition de la forme et de la matière, avec sa prédominance des causes finales. Sans jamais disserter sur la physique, Socrate a pourtant, au fond, tracé à cette science la voie dans laquelle elle devait marcher plus tard avec une si persévérante ténacité ! Mais le véritable principe de sa conception de l’univers est la théologie. Il faut que l’architecte des mondes soit une personne que l’homme puisse concevoir et se figurer, dût-il ne pas en comprendre tous les actes. Même cette expression en apparence impersonnelle : « la raison » a tout fait, reçoit immédiatement son cachet religieux de l’anthropomorphisme absolu sous lequel est envisagé le travail de cette raison. Aussi trouvons-nous même chez le Socrate de Platon — et ce détail doit être authentique, — les mots raison et Dieu pris souvent comme tout à fait synonymes.

Ne nous étonnons pas si, dans ces questions, Socrate se fondait sur des idées essentiellement monothéistes ; c’était l’esprit de son époque. Il est vrai que ce monothéisme ne se pose nulle part comme dogmatique ; au contraire, la pluralité des dieux est formellement maintenue ; mais la prépondérance du dieu, regardé comme le créateur et le conservateur du monde, fait descendre les autres divinités à un rang tellement inférieur que, dans mainte théorie, on peut n’en tenir aucun compte.

Ainsi nous pouvons peut-être aller jusqu’à admettre que,