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pu se contenter si souvent de vues vagues, ou attribuer une portée universelle à des « lois » qui ne régissent que certains cas spéciaux.

Que si, maintenant, on se demande comment des théories ont pu être bâties sur la valeur qui présentent le défaut indiqué ci-dessus, il apparaîtra que cela tient à des causes multiples.

1° Il faut considérer ici, en premier lieu, les difficultés de cette analyse qui seule permettra de comprendre les phénomènes de la valeur. Lais sons de coté ces esprits superficiels qui ne voient même pas qu’elle est nécessaire, et qui se bornent, pour expliquer la valeur, à généraliser d’une manière hâtive quelques faits d’observation : il n’y a rien de surprenant que d’autres, qui ont voulu y procéder, n’aient réussi qu’imparfaitement dans leur tentative.

2° D’autre part, on sait que l’esprit humain tend à voir les choses par le dehors, qu’il ne quitte pas volontiers la sphère des réalités objectives.

3° Ajoutons, en troisième lieu, qu’il existe d’une manière assez générale un préjugé contre les théories subjectives, qu’on les tient communément pour moins scientifiques que les autres : la raison en est que les faits psychologiques sur lesquels ces théories subjectives se fondent ne peu vent être constatés directement que par ceux-là chez qui ils se produisent ; ces faits, en outre, varient d’un individu à l’autre, ils sont éminemment instables, et ils se prêtent mal à la mesure.

4° Enfin, si au point de vue spéculatif ces théories sont supérieures qui nous font remonter jusqu’à l’origine de la valeur, ce qui importe pratiquement, c’est de savoir comment les prix se déterminent, vers quelle norme ils tendent : et des théories objectives peuvent nous fournir à ce sujet des renseignements très utiles.

284. Les théories subjectives. — Arrivons aux théories subjectives. Elles devaient apparaître à leur tour dans la science économique, par un progrès nécessaire de celle-ci. Le succès qu’elles ont obtenu dans notre époque, d’ailleurs, n’est pas dû seulement à ce qu’elles sont plus explicatives que les autres. Il est dû aussi, pour partie, à ce que ces théories dérivent la valeur de l’utilité, à ce qu’elles donnent une importance primordiale, dans l’explication qu’elles nous présentent des phénomènes dont elles s’occupent, aux besoins : or, tandis qu’il y a un siècle les préoccupations des économistes étaient avant tout, peut-on dire, d’ordre commercial, aujourd’hui c’est à un point de vue « humain » que l’on se place d’ordinaire pour considérer les phénomènes économiques.

Les premières théories subjectives de la valeur sont assez anciennes déjà[1] : ce sont celles que l’on trouverait, par exemple, chez Cournot ou chez Gossen. Mais il n’y a pas 40 ans que ces théories se sont imposées à

  1. Voir là-dessus Cunynghame, Geometrical political economy, chap. 1.