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peuvent ne pas être uniquement un « superflu » pour ceux à qui ils sont fournis.

Voici une autre façon encore de comprendre la production[1]. La production serait caractérisée par ce fait qu’elle met en rapport l’homme et la nature, elle serait constituée par l’ensemble de ces actes qui visent à la satisfaction de nos besoins et qui représentent une exploitation de la nature par l’homme, une domination de la nature par l’homme. Ainsi entendue, la production s’opposerait à certaine autre notion pour laquelle il n’existe point de nom dans la langue française, et qu’expriment tant bien que mal le mot latin commercium et le mot allemand Erwerb : la notion de cette activité que nous déployons pour réaliser des gains sur nos semblables, comme on dit, ou du moins par le moyen de certaines relations que nous nouons avec eux.

Cette manière nouvelle de définir la production, on s’en persuadera aisément, se rattache très étroitement aux précédentes. L’homme, en effet, est-il seul en présence de la nature, on n’aura qu’un intérêt à considérer. Mettons au contraire plusieurs hommes en présence, et supposons que des relations économiques s’établissent entre eux : il y aura plusieurs intérêts individuels à considérer qui pourront ne pas s’accorder, et au-dessus de ces intérêts individuels, l’intérêt de la collectivité, qui peut différer de chacun d’entre eux. On verra, ainsi, un individu s’efforcer de faire des gains qu’un autre, s’il ne les faisait pas, ferait nécessairement en sa place. Et les individus pourront même, comme nous le montrerons plus tard[2], trouver leur plus grand avantage à des opérations qui seront dommageables pour la collectivité.

On notera toutefois que la production, entendue comme on vient de voir, ne sera pas effectivement séparée de l’Erwerb, sauf dans le cas d’un homme travaillant tout seul, ou d’une collectivité régie par des principes communistes. L’ouvrier qui travaille dans une usine, en tant qu’il s’applique à transformer d’une certaine façon une matière première qui lui a été confiée, sera un producteur ; mais en tant qu’il exécute sa besogne pour recevoir un salaire, il se livre à une sorte de « commerce ». Envisageons toute la série des opérations qui sont nécessaires pour qu’un bien puisse être fourni à la consommation : ces opérations constituent un processus productif en tant qu’elles ont nécessité une certaine dépense de labeur, l’emploi de certains « moyens de production » qui eussent pu servir à autre chose, et qu’elles ont abouti à la création d’une certaine somme d’utilité ; elles rentrent dans la catégorie de l’Erwerb, au con-

  1. Consulter Philippovich, Grundriss, 1er vol., § 38, et Effertz, Antagonismes économiques, Ire partie, chap. 2, ii, §§ 1-2, chap. 3, i, § 4.
  2. Dans l’Appendice I.