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lignes vertes, droites et parallèles ; et si quelqu’un survenait, il lui fallait partager notre admiration, tant pis

« Tout cela, sans doute, n’était pas la fortune, mais il y avait derrière le charme de sortir du sol les trésors mystérieux qu’il recèle ; cette passion inavouée du paysan. Or, paysan, je commençais à le devenir, si point d’en éprouver déjà les convoitises, justifiant ainsi cette prédiction que m’avait faite un jour M. R… « Vous verrez que l’ambition vous viendra aussi. »

« De fait, j’avais déjà celle de vouloir rattraper ceux qui m’entouraient, lesquels, pendant que je piétinais sur place, avaient marché de l’avant, la plupart ayant déjà une soixantaine d’acres en cultures et petit paraissait mon champ comparé aux superficies environnantes, couvertes comme lui de la belle verdure du « blé qui lève »

« Mais j’étais pauvre et ne voulais pas faire de dettes, bien que je le pusse étant devenu légalement propriétaire de mon homestead, estim& alors à 1,500 dollars (on m’en a offert 6,000 depuis). Dans ce pays, où tout est aléatoire, malheur à celui qui emprunte : il se met aux pieds un boulet qu’il traînera longtemps : et pour un « chanceux » qu’on verra se libérer vite, combien d’autres resteront esclaves indéfiniment : or, comme vous le savez, je n’estimais pas appartenir à la classe des « veinards ».

« Fare da se » comme disent les Italiens, le mieux était de marcher avec mes ressources effectives ; mais au fait, en quoi consistaient-elles ?

« Dans le courant de cette quatrième année nous attendions un poulain et 5 veaux ; nous espérions donc vendre tout au moins le beurre de 4 vaches, ainsi que deux bœufs bons pour la boucherie, plus les produits de la récolte (si celle-ci donnait). Quant au poulain, comme j’en avais déjà deux autres pour ma remonte, peut-être