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fourches, marteau, scies, clous, tenailles, rabot, tarière, pinces, plane, vilebrequin, ciseaux, clés anglaises, etc, etc… Ce qui fit déjà une inquiétante saignée dans mon modeste pécule, bien que j’eusse remis à un prochain voyage l’achat d’une faucheuse et d’un râteau mécanique pour le foin. Tous ces objets nouveaux dont un citadin européen ignore généralement l’emploi (pas le citadin canadien) m’inspiraient quelque gêne et je les empoignais gauchement en aidant M. R… à les arrimer sur les deux voitures. Je fus embarrassé avec les harnais — ayant servi dans les tringlots — et lorsque nous quittâmes Duck Lake vers 10 heures, juché sur mon propre « wagon », je tenais assez bien en mains les harnais.

« Le retour, malgré les charges, s’effectua assez rapidement, et à 8 heures du soir nous étions rentrés.

« Le lendemain, je partis avec l’engagé sur mon homestead, afin de me bâtir une cabane en bois rond, première résidence de tout colon canadien.

« M. R… avait eu l’obligeance de me prêter pour quelques jours son Breton, mais le malheureux, aussi ignorant que moi dans la construction, n’était pas pour nous faire un château. Cependant, courageux au travail, il abattait assez rapidement les « logs » que, de mon côté, je charriais avec les deux gris sans regarder à la fatigue. On mangeait sur le pouce, et la nuit nous logions sous une tente appartenant à mon hôte. Quant aux chevaux, ils couchaient à la belle étoile, attachés au « wagon » qui leur servait de crèche, mais ils n’en paraissaient pas plus mal ; descendant des « caoyouses » sauvages, ils avaient quelque rusticité.

« Le temps n’était pas trop froid et la pluie rare, les choses auraient assez bien marché sans notre inexpérience à tous deux, laquelle nous faisait passer des heures là où n’importe quel « habitant » n’aurait mis qu’un instant. À défaut d’un de ces bons Canadiens, bons en toutes sortes de choses, il nous aurait fallu, au