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la trouva quelques jours après, tira un dollar de sa peau : mais en toutes choses il y a la « manière » comme on dit !

« Ce dimanche-là, un passant nous ayant informés que le Bac de Batoche était à l’eau, M. R… décida que nous partirions ensemble le lendemain matin à 4 heures pour Duck Lake, faire nos achats. Il importait pour lui de ne pas tarder davantage, car, la terre étant presque dégelée, il voulait commencer ses labours au plus tôt. À l’époque, vu les pluies d’été abondantes, tout blé semé après le 5 mai risquait de n’être pas mûr avant les premières gelées. Il n’en est plus de même depuis 15 ans que les années sèches durent : certains en sèment jusqu’au 20 mai.

« C’était mon premier voyage en « wagon » et je m’attendais à être moulu, mais il n’en fut rien. En ce temps-là, comme on roulait uniquement sur les « pistes indiennes » tracées sur le gazon de la prairie, les secousses étaient anodines. Maintenant qu’on s’évertue à remplacer sur nos routes légales la terre noire élastique par une glaise dure et rugueuse — même quand le niveau du terrain n’exige pas une surélévation — cinq milles de trajet vous fatiguent autant que les quarante que nous fîmes ce jour-là. Mais le progrès lui-même a sa routine !

« À Duck Lake j’eus la chance de trouver pour 250 dollars un team de chevaux d’une bonté exceptionnelle, âgés de 10 ans, mais qui, néanmoins, devaient nous rendre service pendant une douzaine d’années encore. Véritables « chevaux du pays » provenant d’un croisement de ponies avec percherons, nos deux « gris » — un cheval et une jument — tiraient comme des bœufs et n’étaient jamais malades. J’eus, de plus, de la jument et de ses filles, une vingtaine de poulains.

« Le lendemain matin, j’achetai des harnais (30 dollars) un « wagon » (75) une charrue (30) des herses (15) ainsi que divers objets comme haches, pioches, pelle, bêche, faulx, râteau, binette