Page:Lamy, Féron - Dans la terre promise, paru dans Le Soleil, Québec, du 21 nov au 17 déc 1929.pdf/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais cela demanda une dizaine de jours pendant lesquels l’ennui nous prit, commençant à ronger notre bel enthousiasme.

« Pour y échapper, je sortais quelquefois me promener dans la campagne à la chasse des poules de prairie, laissant ma femme aider Mme R… dans son ménage. Un dimanche, que l’engagé de la ferme — un Breton d’une vingtaine d’années, au pays depuis 6 mois — m’accompagnait, histoire de se distraire, il nous arriva à tous deux une petite aventure assez piquante. Nous parlions des bêtes à fourrures du pays : vison, hermines, lynx, etc., dont je n’avais encore vu d’échantillons vivants — il est vrai que la saison se passait — et des lucratifs revenus que leur chasse pouvait donner quand à 200 mètres devant nous, sortant d’un buisson, nous voyons apparaître une bête un peu plus grosse qu’un chat, d’un pelage noir lustré magnifique, ornée d’une queue en panache, et barrée sur le dos d’une large bande d’un blanc de neige allant de sa tête à sa queue.

— Il y a de l’hermine là-dedans, dis-je, tâchons de la prendre, nous partagerons !

— Ah ! je veux bien, répondit le gars, car c’est sûrement une bête de prix !

« Et nous voilà à cerner l’animal — lequel d’ailleurs ne courait pas très vite — l’acculant à un petit buisson au pied duquel il s’accroupit d’une manière étrange, sa queue par-dessus sa tête, mais nous faisant face néanmoins.

« Mais comment le tuer sans abîmer la peau ? les cartouches à plomb ne pouvaient servir ici ! Heureusement, avais-je sur moi un revolver — cadeau de mes collègues de bureau — d’un modelé nouveau, tirant des balles blindés avec de la poudre sans fumée : une merveille !

« J’allais droit à la bête et, à 3 mètres de distance, lui tirai une