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— Ça indique seulement… un changement de temps pour à demain, fit-il et c’est tout. D’ailleurs, ils ne sont guère nombreux malgré leur vacarme, trois ou quatre, pas davantage : seulement chacun d’eux peut faire entendre toutes sortes de cris à la fois, ce qui fait qu’on les appelle les bêtes du Diable ; mais c’est peureux ça, Monsieur, comme des souris !

— Allons tant mieux. Mais ce marais, n’y a-t-il pas quelque danger à…

Aucun : la terre est encore gelée et nous pourrions passer avec une couple de tonnes…

Rassuré sur ces points, je n’en demandai pas plus, mais ma compagne, qui avait lu le Dernier des Mohicans et que l’obscurité en de tels parages indisposait, voyait un peau-rouge derrière chaque arbre.

« Enfin, après de nombreux méandres à travers les bois, nous arrivâmes à cette maison du surveillant où nous devions trouver notre première « campe » en Amérique.

« C’était une habitation très ordinaire, blanchie à la chaux mais assez spacieuse ; la porte s’en ouvrit au bruit de nos chevaux et une jeune servante indienne en tablier à bavette, passa curieusement la tête : elle fut bientôt remplacée par une sorte de géant à voix sympathique qui cria gaiment dans le parler canadien d’une savoureuse intonation normande :

— Quiens ! des visites à c’t’heure. Bonté ! Qui que c’est t’y que ça peut ben être ?

— C’est moé, un tel de Duck Lake, Monsieur Marion, répondit non moins joyeusement notre conducteur, et je vous amène du monde à camper : des Français des vieux pays, qui vont du bord de Crystal Springs !

— Ah c’est toé, Joe ! Bon ! Dételle tes chevaux et mets-les à l’étable ! Puis, descendant les degrés de bois, le surveillant — c’était lui — vint courtoisement à nous et avec rondeur nous invita à descendre, semblant aussi heu-