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— Mince nous voilà propres, fit ma femme à mi-voix.

« À ce moment, je remarquai à l’horizon quatre ou cinq feux de prairie qui couraient : soucieux, je les signalai à l’automédon lequel, sans même les regarder, me dit tranquillement :

— C’est un signe de printemps, comme l’arrivée des étourneaux, j’aime à « vouère » ça le soir !

« Ce garçon-là, décidément ne s’émouvait de rien !

« Cependant, arrivés à une sorte de marais dans lequel passait la route, il parut cette fois inquiet (enfin !) et arrêta la voiture : probablement qu’il y avait là des sables mouvants extrêmement dangereux : aussi, de notre côté, n’en menions-nous pas large ; la pensée de rester enlisés dans cette eau sale… Brrrou !…

— Eh bien ! qu’y a-t-il, m’informai-je, un peu épaté de voir notre homme se fouiller partout et regarder derrière lui.

— Ce qui ya ? Ce qui ya ? Ya, que j’ai perdu ma boîte d’allumettes. Batèche pu moyen de fumer une pipe à c’t’heure !

« Comme je lui en passais vivement quelques-unes, voilà qu’une clameur intense autant qu’étrange retentit dans la prairie assez proche de nous. Lucile en sursauta médusée :

— Allons ! bon ! Qu’est-ce encore que cette « diablerie » !

— Ça, c’est les coyotes, dit l’autre en allumant sa bouffarde, et il reprit les guides.

Des loups, maintenant, c’est le bouquet, s’exclama ma femme, et ils sont certainement en bande comme en Russie ! Charge vite ton fusil, Léon, (les deux coups), passe-moi le revolver… Et dire que ce fou-là, au lieu de se mettre en état de défense, nous emmène au milieu d’un marais, peut-être sans fond !…

« Je n’étais pas loin de penser comme elle, aussi pour en avoir le cœur net, demandai-je au cocher si cette clameur indiquait une attaque prochaine des fauves.