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travaillant, elle riait, chantait. De temps à autre Placide plantait sa hache en terre, essuyait sa face en sueur et regardait sa bonne femme avec amour.

Ne te fatigue pas trop, recommandait-il, tu te dégoûteras, Flore !

— Allons donc, Placide, répliquait-elle, est-ce qu’on se fatigue lorsqu’on travaille sa terre, sa bonne terre ? Et penses-tu qu’on puisse s’en dégoûter ? Ah non, jamais !

— Comme ça, tu l’aimes notre homestead ?

Si elle l’aimait… Alors elle chantait d’une voix émue et ravissante son pays et sa terre…


Ô Canada, mon pays mes amours…


Après ces cris d’enthousiasme, les deux amants, quelquefois, s’asseyaient sur un tas de branches, elle le plus souvent sur les genoux de son mari, et pendant dix ou quinze minutes on reprenait haleine tout en échangeant quelques baisers.

Elle disait :

— Placide, si nous pouvons ensemencer 50 acres l’an prochain, nous serons riches.

— Nous allons essayer, mon amie.

Il essayait à ce point qu’on le voyait travailler ferme d’un soleil à l’autre ; aussi put-il avec uniquement ses deux chevaux casser trente acres cet été-là. C’étaient, avec les vingt acres déjà en culture, les cinquante acres désirées.

Durant tout cet été-là il fallut, comme on le pense, serrer les cordons de la bourse très aplatie depuis les achats de chevaux et machines agricoles. Comme la saison était belle et bonne, le jardin potager aidait considérablement aux frais de la subsistance. Les poules, de leur côté, pondaient bien, et la vache donnait un seau de lait matin et soir. Quant aux viandes, Placide avait réussi à abattre deux chevreuils, et souvent aussi, la brunante venue, il allait avec son fusil