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c’était leur « chez-eux » !

On les chassait !

Ils avaient pourtant peiné avec un courage et une constance qui semblaient mériter meilleure récompense. Ils s’étaient même privés de choses utiles, souvent aussi de choses nécessaires. Après cinq années de labeurs ils se voyaient sans argent ou à peu près : car où pourraient les mener les huit ou neuf cents dollars qui leur resteraient ?

Et ils s’étaient privés à ce point que leurs vêtements s’en allaient à la ruine. Grâce à l’adresse et au courage indéfectible de Flore, les hardes avaient pu durer. Industrieuse, la jeune femme avait réussi souvent à faire quasi du neuf avec ce qui n’était plus que du vieux. Et cependant on avait été heureux quand même : l’avenir saurait bien compenser le passé. Plus tard on se rattraperait… Hélas ! tout à coup le bel avenir s’effondrait. Ah ! si encore on n’avait été que deux pour supporter le fardeau ; mais la famille avait augmenté, il y avait à présent trois enfants à nourrir et à vêtir, le dernier âgé de huit mois seulement. Eh bien ! où irait-on dans cette état lamentable ?…

Lui et elle se regardaient sans pouvoir parler.

Placide, à la fin, parvint à rompre ce triste silence :

— Ma pauvre chérie, tu ne m’en voudras pas si la malchance s’attache à moi, j’ai pourtant tout fait pour l’éviter et l’écarter.

Flore pleurait en serrant contre son sein son dernier-né agité.

— Qu’allons-nous devenir, Placide ? sanglota-t-elle.

— Je sais bien, ma pauvre amie, que notre situation n’est pas brillante, loin de là ; néanmoins, il ne faut pas nous décourager et maintenant moins que jamais. D’ailleurs, il se peut que M. Moore revienne sur sa décision.

— Lui, revenir sur sa décision ? s’écria tout à coup la jeune femme avec indignation. Ah ! ne te leurre