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leur venue. Aussi après le battage Placide eut-il tout au moins cette satisfaction d’emmagasiner dans ses greniers 3 200 minots d’avoine et 500 de blé.


Cet automne-là la ferme donnait un rapport net de 1 500 dollars. Placide avait tant économisé qu’il avait réussi à payer tous les frais ainsi que le salaire de son employé, à même l’argent resté en mains de la récolte de l’automne d’avant.


Mais là encore, comment payer la banque et M. Moore, c’est-à-dire 3,000 dollars et l’intérêt ?

La banque voulut bien se contenter de $500, pour cette année-là, et M. Moore, lui, fut bien obligé d’accepter aussi la même somme. Intérêts et autres petits frais déduits, notre ami ne gardait pour lui-même qu’une somme d’environ 400 dollars, et cela pour le conduire jusqu’à la troisième récolte.

Décidément ce n’était guère encourageant.

Mais les coups du mauvais sort ne s’en tiennent pas toujours là.

Nous savons que Placide avait pris, à 30 milles vers le Nord-Est, un homestead et que, pour en avoir la possession, il n’avait encore commencé à remplir aucune des obligations exigées par la loi. Aussi le Bureau des Terres lui fit-il savoir qu’à moins de se mettre à l’œuvre, ce homestead lui échapperait, attendu qu’un nouveau venu dans le pays désirait s’y installer. On donnait à Placide 60 jours pour se mettre à l’œuvre. Il fallait s’y mettre ou perdre ce qui, plus tard, pourrait devenir une fort belle terre. Mais pouvait-il laisser sa ferme et s’en aller sur son homestead ? Non. Encore moins laisser sa femme seule… Pourtant, avec une femme comme celle qu’il avait, notre Canadien pouvait tout entreprendre sans qu’elle cherchât à l’en détourner.

— Ma chère Flore, dit-il un soir, nous allons nous rendre sur notre