Page:Lamy, Féron - Dans la terre promise, paru dans Le Soleil, Québec, du 21 nov au 17 déc 1929.pdf/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.

peut-être s’écraser sur les têtes qu’elle abrite.


Épouvantée, Flore court de çi de là, se lamente, crie… Placide, pâle, livide presque, et silencieux regarde dehors par les fenêtres mutilées cette couche d’affreux cristaux qui s’entassent déjà sur une épaisseur de pas moins de huit pouces.

Les arbres sont plus qu’à demi dépouillés déjà de leur feuillage.

Et la grêle tombe…

Flore s’est jetée en hurlant et pleurant sur le cher berceau où gémit son petit…

Tout à coup, silence ! Tout s’arrête et se tait brusquement. Les nuages fuient rapidement. Le vent s’est éteint comme épuisé. Puis un calme singulier, si singulier après le fracas qu’on vient d’entendre, qu’il fait aussi peur que la tempête elle-même : Voilà ensuite le soleil, le plus splendide des soleils peut-être, qui vient, comme avec ironie, éblouir la nature défigurée, mutilée et comme sous le coup encore de l’épouvante…

Et les blés ? les avoines ? les orges ?… Tout est haché… aux trois quarts…

Placide s’est affaissé lourdement sur un siège…

XII


Le courage devait encore, par bonheur, surmonter la défaillance et l’accablement.

Plusieurs fermiers, ceux-là qui avaient pris une assurance contre la grêle ou ceux qui avaient les moyens de supporter la perte, se mirent à labourer leurs champs pour l’année suivante.

Mais Placide Bernier et d’autres aussi pas mal atteints et aussi pauvres prirent le risque de laisser agir la nature.

Il arriva que l’avoine refit rapidement sa tige. Mais le blé fut plus lent à reprendre vie. Grâce à une température clémente par la suite, les gelées de septembre retardèrent