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timisme au plus haut degré possible. Au lieu de paroles amères et déprimantes, on trouvait des mots joyeux. Souvent le soir, après les travaux de la terre, Flore allait traire ses vaches tandis que son mari et l’engagé pansaient les chevaux. La jeune femme babillait, riait des plus beaux rires et tâchait de faire tomber du front de son mari certains plis que la poussière des champs avait assombris. Oui, mais en babillant de la sorte elle tirait souvent le pis de travers et le beau lait blanc et chaud ruisselait à côté du seau. Placide voyait la chose.

— Voyons Flore, tu perds du lait… avait-il coutume de réprimander tout en souriant d’indulgence.

— Oh ! si peu… répliquait-elle ingénument… une goutte, rien qu’une goutte ! Ah ! ça, mais pourquoi me fais-tu cette brusque observation ? ajoutait-elle en fronçant le sourcil. Aimes-tu tellement ce lait que je n’en doive perdre une goutte.

On éclatait de rire…

Hélas ! le rire… et surtout ce bon rire enfantin qu’on avait, devait-il se faire sanglot ? Rien d’impossible… car ce bon rire essayait, en vérité de dérober une inquiétude de cacher des soucis.

Inquiétudes !… Pourquoi pas ? Tous les midis de gros nuages blancs apparaissaient à l’horizon, et de là, entre trois et cinq heures, s’élançaient des orages dangereux. Les journaux rapportaient que de nombreuses localités avaient été ravagées par la grêle.

Sous cette continuelle menace Placide devenait de plus en plus inquiet, et cette inquiétude très visible était, va sans dire, partagée par sa compagne.

Or, vers les deux heures de ce 5 juillet, ainsi que l’avait redouté l’engagé, un effrayant nuage s’éleva au Nord-Ouest pour se diriger vers le Sud et l’Est.

— Ça ne vient pas ici heureusement