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resse, le jardin avait aussi son mal ; mais, là, le mal ne s’aggravait pas parce qu’on avait soin d’arroser. Oui, mais l’eau du puits baissait, et si la température s’entêtait à jouer son rôle de belle et capricieuse coquette, l’eau finirait par manquer. Comme on pense, tout cela donnait à réfléchir.

Quelques jours encore se passèrent ainsi, mais les vers avaient causé de forts dommages. Toute la contrée environnante se plaignait, c’était la disette en perspective.

Le blé sur les labours de l’été d’avant allait encore bien à cause de l’humidité que le sol avait conservée pour n’avoir pas été remué sous le soleil et les grands vents chauds de l’ouest. Sur les labours d’automne le grain avait encore assez bonne mine ; sur ceux du printemps il n’avait rien de bien prometteur. Une température pluvieuse pour quelques jours pourrait tout remettre dans la voie de l’abondance.

La bienheureuse pluie ne vint qu’à la fin du mois. Un soir, le ciel s’était couvert et, dans la nuit, un violent orage avait éclaté. Durant près de trois heures une pluie diluvienne s’était abattue.

— C’est la fortune, Flore ! s’était écrié Placide dans la joie folle qu’il éprouvait.

— Oui, ce sont des dollars qui tombent par centaines et par milliers, avait répliqué la jeune femme non moins heureuse que son mari.

On pouvait, en effet, se livrer à la joie, car la sécheresse avait semé un large émoi dans le cœur de nos deux amis pendant plusieurs jours. Le sourire sur leurs lèvres s’était quelque peu amoindri, et il avait pris une nuance assez manifeste de mélancolie : les yeux s’étaient chargés d’inquiétude, les fronts s’étaient assombris. Mais enfin le ciel se rendait et largement encore — il fallait l’espérer — à leurs justes prières.

Il pleuvait à verse…