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Il semble à Placide que c’est du prodige.

N’importe ! il ne reste plus que 50 acres à labourer et à semer en avoine. Ce n’est pas long : le 26 de mai les semailles sont complétées.

Placide est radieux. Ah ! il peut se vanter d’avoir mis la main sur un bon homme…

Cet employé était, en effet, un garçon travailleur et consciencieux, paisible et se mêlant de ses affaires. Oui, se mêlant de ses affaires… mais pas au point de ne pas donner un bon conseil à l’occasion, et il le prouvait en prenant l’intérêt de son patron. Aussi, hors de ses heures de travail au champ, bien qu’il ne fût pas sujet à cette obligation, il aidait au soin des animaux. Il allait chercher les deux vaches dans le pâturage au bout de la terre et le trayait obligeamment, si Flore se trouvait trop occupée à sa maison. Enfin, il se rendait utile partout et à toute heure avec le meilleur vouloir du monde.

Quelquefois, par les belles soirées, il se rendait chez des voisins de sa nationalité pour y faire un bout de causette. Ne parlant que l’anglais, il pouvait assez difficilement tenir la conversation avec ses patrons. Placide, c’est vrai, écorchait assez facilement la langue de nos amis d’Ontario ; mais Flore, elle, n’y entendait rien autre chose que « yes » ou « no ». Pourtant, elle voulait apprendre ; aussi s’essayait-elle dans cette langue qui lui paraissait de prime abord pire que du chinois. L’employé, toujours complaisant, l’instruisait, et la jeune femme finissait par dire quelques mots, quelques bouts de phrase ; seulement, restait la prononciation, ce qui n’était pas pour Flore la moindre des choses. Enfin, avec du bon vouloir et de la ténacité elle parvenait à baragouiner suffisamment pour demander quelques menus services à l’engagé, si Placide n’était pas là.