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là, en ce paradis où Placide Bernier et sa femme se trouvaient, il était nécessaire de travailler. Il importait de se préparer pour les semailles, sans compter que l’installation du nouveau foyer exigeait quelques peines et quelques dépenses, si l’on voulait avoir un peu de confort.

Car il faut dire que la maison du fermier n’était pas très attrayante : ce n’était qu’une baraque, mais assez spacieuse et divisée en quatre pièces, plutôt exiguës, et qui n’étaient pas d’une propreté absolue. Beaucoup de ces vieux « bachelors », et même des jeunes, n’ont pas toujours le temps, avec la besogne qu’ils ont sur les bras au dehors, de donner leurs soins au ménage.

Placide et sa femme se mirent en frais de faire le nettoyage. On lava, frotta… On tendit sur les murs un beau papier bleu. Aux fenêtres on mit de simples rideaux de cretonne rose (on était si peu difficile), et sur le plancher de planches brutes on posa un papier d’abord, puis on étendit soigneusement un « linoleum ». Abrégeons en disant qu’en moins de trois jours la main de la femme avait fait de l’intérieur de cette baraque un petit nid qui en valait bien un autre. Il n’avait fallu qu’un peu de travail et quelques dollars pour se donner un confort réjouissant.

— N’est-ce pas, ma Flore, qu’on va être bien chez nous ici ? se plaisait à répéter Placide tous heureux.

— Ce n’est pas, répliquait, Flore, la belle maison de tes parents là-bas, ni celle des miens non plus ; mais tout de même puisqu’on s’y sent heureux comme roi et reine !

Heureux ? Oui. Et elle, cette Flore, n’était-elle pas toute l’image vivante du bonheur avec ses petites et amusantes babillardises, ses éclats de rire qui étaient une vraie musique !

Souvent encore elle disait :

— Sais-tu, Placide, que j’avais rêvé de faire une fermière… mais une vraie fermière ?