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Au Bureau des Terres, un employé signala à l’agent le district de Shell River, à quelque soixante milles au Nord-Ouest de Prince Albert et à une distance respectable de la voie ferrée « Prince Albert-Big River ». Pour la majeure partie c’était encore une contrée d’exploitation forestière. N’importe, on allait voir.

Le lundi matin, on repartit en chemin de fer. Vu qu’on aurait de longues et exténuantes marches à faire par bois et marais, les femmes et enfants furent laissés dans les baraques dites « Maisons des émigrants ».

Le lundi midi, on descendait de chemin de fer à un petit hameau l’on exerçait l’industrie du « bois de chauffage ». De là, on partit pédestrement, hormis, va sans dire, l’agent-colonisateur qui avait retenu à l’avance et par télégraphe, une voiture légère. On s’en alla, comme une armée de trainards, à travers des chemins boueux ou des flaques d’eau, car le soleil avait fondu la dernière neige. On marcha vers le Sud-Est jusqu’au crépuscule, pour atteindre, enfin, Shell River. Là, le pays était si désolé et si peu prometteur que tout le troupeau s’insurgea.

— Vous êtes incontentables : s’écria l’agent-colonisateur avec colère. Je vous ai amenés dans le plus beau pays du monde, et vous n’êtes pas encore satisfaits : Eh bien ! contentez-vous comme vous voudrez, moi j’ai fait tout ce que j’avais à faire.

Et il s’en alla.

Pour un peu, le brave homme eût dit à ces pauvres gens interloqués, éperdus : « Allez au diable. »…

Ma foi, ces gens n’en étaient pas loin…

Non, ce n’était assurément pas le « pays de cocagne ».

Coteaux boisés, buttes de sable, rochers… Sans doute, il s’y trouvait, éparses, quelques bonnes terres, mais comment la petite colonie pourrait-elle tirer sa subsistance d’un sol pauvre ? Et c’était de tous côtés la solitude. Ceux-là qui possédaient