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balancée, et chaque heure continue de dévider son chapelet de bois, et souvent des bois gros et de belle hauteur.

N’étais-ce pas décevant ?…

Comme c’était beau, hier, dans ces prairies de soleil et de chaume d’or ! Comme c’est triste aujourd’hui !

— Du bois, du bois et des marais !… Encore du bois et des Marais !…

Un jeune gaillard venait de crier ainsi, tout en lorgnant, non dans une forte ironie, l’agent-colonisateur qui venait de paraître dans l’un des wagons où l’on ne trouvait que des jeunes de la race. Ceux-là étaient tous de Québec, comtés de l’Islet, Kamouraska, Témiscouata et Rimouski.

L’agent-colonisateur sourit d’abord narquoisement, puis répliqua :

Quoi ! à des gaillards comme vous autres, va-t-on me faire accroire que la hache fait peur ?

Non, rétorqua hardiment notre jeune ami, la hache ne nous fait pas peur, on la connaît et elle nous connaît. Seulement, si on nous avait dit ça de suite avant de partir, on se serait apporté des haches !… Alors, comme on est, avec ces géants de trembles, de peupliers et d’épinettes, qu’est-ce qu’on va faire, je vous le demande ? Est-ce qu’avec nos couteaux de poche seulement…

— Patience interrompit l’agent. Il y a mieux plus loin et ailleurs. Du reste, si vous voulez des terres, et de bonnes terres en même temps, ôtez ces bois, asséchez ces marais et vous verrez.

— Oui, mais… se récria un autre… vous nous avez parlé de prairies…

— Je vous ai parlé de prairies qu’il vous appartient de faire

— Ta ta ta…

Il y avait déconvenue déjà, déception et, peut-être aussi, découragement. En effet, on avait promis à ces colons honnêtes et de bonne race des prairies, c’est-à-dire des champs tout prêts à cultiver, et on les amenait dans des bois qui, sans être de l’âge et de la dimension des bois de nos ancêtres au Lac Saint-Jean vers les 1880, par