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encore tout mon grain, gardé par spéculation), par une quadruple bande de labour, j’y courus de suite, après avoir vivement allumé un contre-feu pour les miens, qui n’eurent qu’à se réfugier dans l’espace nettoyé par lui.

« Mais j’arrivai trop tard sur les lieux la vague de feu ayant déjà franchi l’obstacle. Comme dans l’incendie de Moscou où l’on vit des plaques de tôle voler dans les airs durant un kilomètre, les flammèches projetées par ce vent infernal allaient porter la conflagration loin devant, secondées par l’ardeur de l’atmosphère embrasée. Aussi, ma maison, quoique n’ayant rien d’inflammable autour d’elle, avait-elle déjà pris feu ; quant aux étables et graineries, entourées de paille, elles brûlaient depuis longtemps.

« Un nuage de fumée noire et suffocante m’en interdisait l’abord, sans parler de l’intense chaleur ; et dans mon désespoir impuissant, j’entendais à travers le grondement du feu hurler mes pauvres veaux, ce qui me chavirait le cœur. J’eus cependant la présence d’esprit d’aller ouvrir l’enclos des cochons, lesquels finirent par sortir, s’éparpillant un peu partout, puis je courus dans le parc où par bonheur mes chevaux de travail se trouvaient, au lieu d’être à l’étable, et leur fis aussi un contre-feu sauveur.

« Mais à part eux, les poulains et animaux à la prairie, j’avais perdu à peu près tout ce que je possédais.

« Il ne nous restai pas même une marmite pour faire le repas — et d’ailleurs avec quoi ? Toute cette famille qui, quelques heures auparavant, vaquait joyeusement à sa tâche, dans la sérénité d’une situation heureuse, était obligée sur le coup de midi, d’aller implorer la charité de voisins plus fortunés pour le vivre et le gite.

« Disons de suite que cette charité fut à la hauteur des circonstances. Ah ! les braves gens que tous ces anglo-canadiens, Scandinaves, etc. C’était à qui nous ferait ses offres de