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LA MOISSON NOUVELLE


Le vent de mai jetait dans sa fenêtre ouverte
L’odeur des champs voisins et de la forêt verte,
Et lui, le regard grave, en son rêve perdu,
Sur une chaise longue il était étendu…
Mais quels feux, quels rayons brillaient dans sa prunelle
Et que cette douleur me parut solennelle !
Un grand chêne étendant ses feuillages au loin,
Un peu de ciel grisâtre, un rosier, dans un coin,
Un balcon, quelques toits habillés de verdure,
Une vigne accrochée aux maisons et qui dure,
Voilà tout ce qu’était son modeste horizon,
Voilà ce qui mettait le jour dans sa prison !…
Mais ce coin suffisait à son âme profonde ;
Un poète à lui seul est vaste comme un monde.
Quand tout est sombre ailleurs, en lui-même il fait clair
Son exil est un ciel qu’illumine l’éclair ;
Son cœur est un jardin de fleurs et de ramures,
Qui, pour un rien, s’emplit de chants et de murmures,
Car le poète voit ce que l’on ne voit pas,
Et, dans la nuit, il a du soleil sur ses pas !…