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LÉGENDES GASPÉSIENNES.

lentour pour boire à ce délicieux ruisseau que, à vrai dire, on n’avait avant ce jour-là jamais beaucoup remarqué. Mais, il faisait une chaleur intense. Les gorges étaient comme desséchées par cet air brûlant. Le soir devenait de plus en plus lourd. Le ciel, teint de rouge, semblait traîner dans ses plis les lueurs d’un grand incendie… Et les hommes, haletants, las des efforts de ce jour accablant, mêlaient leurs soupirs et leurs plaintes au souffle des chevaux que les taons mordaient aux jarrets…

Donc, c’était ce soir-là que Joseph Blanchet avait connu et s’était mis à aimer Marthe L’Heureux. Elle était venue avec d’autres filles des champs pour se désaltérer elle aussi à l’eau claire du ruisseau. À bout de courage, tout en sueurs, lui s’était assis là avec quelques autres hommes pour sentir au moins quelques instants la fraîcheur des herbes folles ombrageant les fossés… Et ces belles filles-là étaient venues. On avait parlé un peu de tout, de rien, et tous les deux ils s’étaient attardés jusqu’à la brunante, revenant ensuite