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LA FILLE D’ADOPTION.

sans se lasser, la jeune fille, aimante et docile, reprenait sa suave chanson, née sur les rives de la belle France. Et le vieillard, retombant dans sa rêverie, oubliait la fuite des jours qui ne reviennent plus…

Mais un jour le seigneur vit arriver chez lui un couple de Montagnais. La femme, grande, forte, aux yeux de feu, les cheveux noirs et brillants, tressés en nattes repliées, et retenus sur les oreilles par de larges cordons rouges. Elle portait des souliers de peaux de bête, très souples, et ses pieds faisaient un bruit léger en marchant. L’homme avait les poignets larges, la peau bronzée, l’œil doux.

Ils s’avancèrent timidement, gênés, comme fautifs, et quand la jeune fille apparut au fond de la salle ils dirent tous les deux ensemble : « C’est notre enfant ! »… Ils lui souriaient, et rougissaient d’orgueil paternel devant cette belle fille qui était la fleur de leur sang.

Le vieux seigneur pâlit. Il se jeta sur une chaise, sentant que ses jambes tremblaient malgré lui. À l’instant même il eut la vision de l’épreuve qui