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LE DISPARU.

mère. L’Gros était là, près de la fenêtre, assis misérablement dans sa chaise.

— Celui-là, questionne-t-il, c’est not’ plus vieux ?

— Oui, dit-elle, en pleurant, il a été malchanceux, le pauvre ! » Un long silence suivit. Dehors, la nuit se faisait plus dense et le vent, qui montait de la mer, devenait plus âpre et plus froid. On n’entendait plus que le bruit de quelques rames qui frappaient avec cadence sur le rebord des vaisseaux, et les ténèbres maritimes montaient à l’assaut des côtes paisibles.

Le Disparu réfléchissait, ramassait ses idées. Puis, il dit, avec cet accent anglais qu’il avait acquis au contact d’équipages étrangers : « Écoute, Marie, j’suis pas venu pour te faire de la peine. J’voulais voir comment tu t’arrangeais. Puisque tu t’es mariée avec un autre c’est que t’as pas besoin de moè… J’vas m’en aller là-d’où j’viens, j’reviendrai pas jamais… Fais comme si j’étais mort… Tu sais, j’aime pas ça la pêche ; ça m’a toujours pué au nez… j’aime mieux le voyage, j’navigue comme matelot à bord du bâtiment an-