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LE DISPARU.

tous croyaient noyé, et qu’on disait enterré dans le cimetière du Percé !…

Navrée, pâle comme une morte, elle le regardait avec frayeur, comme on regarderait quelqu’un qui viendrait de sortir du tombeau. L’œil sombre, les cheveux en désordre, la bouche marquée d’un pli mauvais, il était bien un être de ténèbres qu’on pourrait croire sorti des profondeurs de la mort. Elle le regardait, épouvantée, ne pouvant en croire ses yeux et ses oreilles. — « Mon Dieu ! mon Dieu ! murmurait-elle, cela se peut-il, cela ce peut-il ? »… Son premier mari vivait, et elle était remariée, et maintenant qu’il venait reprendre sa place, l’autre serait obligé de s’en aller… Cette pensée lui poignarda le cœur comme un glaive. Tout tournait autour d’elle ; il lui semblait que son cœur cessât de battre, et que la vie en elle se retirait. Elle se jeta sur le bord de la table en sanglotant…

Des pensées de révolte se faisaient jour dans son esprit bouleversé. Non, non, cela ne se pouvait pas ! cela ne se ferait pas ! Elle aimerait mieux mourir que de laisser son Jean, cet homme