Page:Lamontagne-Beauregard - Légendes gaspésiennes, 1927.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
LE DISPARU.

plus jeune qu’elle. Ils vivaient dans une modeste aisance, faisant un ménage modèle. Il était doux, vaillant, économe. C’était un homme de cœur et d’énergie qui n’avait pas cette nonchalance commune aux races de pêcheurs. Toujours levé de grand matin, beau temps, mauvais temps, il était le premier à regagner la mer et le dernier à la quitter. Marie qui, de son côté, faisait tout de ses mains, lui apportait un grand soutien. Aussi parvenaient-ils à « se mettre quelque chose de côté » tout en embellissant parfois, leur foyer d’un meuble neuf qu’ils faisaient venir de Montréal ou de Québec.

Leur vie laborieuse s’écoulait dans une sorte de paix rayonnante, et il arrivait parfois que des voisines, témoins de ce bonheur, lançaient des phrases expressives comme celle-ci : « On peut dire que vous êtes une femme chanceuse vous, Marie ! Bien plus heureuse avec celui-là qu’avec l’autre, pour sûr !… Il y a de la différence comme le jour et la nuit… » Elle penchait la tête discrètement, ne pouvant alors s’empêcher de songer malgré elle à ces