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LÉGENDES GASPÉSIENNES.

Il passait toutes ses journées assis à la fenêtre donnant sur le fleuve. Ses yeux tristes, qui semblaient toujours prêts pour les larmes, suivaient les bateaux à voiles, les chalutiers et les grands vaisseaux à vapeur qui se succédaient sur l’eau bleue. Il en passait de toutes formes et de toutes dimensions. Il les comptait en levant ses doigts secs dans la vitre. — « Aujourd’hui ça fait vingt depuis le matin, ou bien, ça fait quinze sans parler des chaloupes… » …sa mère souriait à son jeu naïf toujours pareil, et l’entourait de ses soins attentifs.

C’était une femme accomplie que cette Marie Lepage. Courageuse, forte des bras comme un homme, habituée comme les morutiers aux manœuvres du large, et savante aussi dans l’art de relever les filets. Avec cela jolie, quoique lourde et de taille exagérée. Ses cheveux étaient roux, presque dorés, ses yeux d’un bleu rare comme le bleu transparent de la mer. Son sourire charmeur était de ceux qu’on admire sans pouvoir les analyser. Enfin, une de ces femmes agréables à voir et