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La dette fut payée, et la terre ne fut pas vendue. Celui qui, sans le savoir, était un héros, mourut peu de temps après, dans les plus atroces souffrances. Depuis, la terre donne chaque année de belles moissons ; la vie est née de cette mort héroïque. Les fils et les petits-fils se succèdent sur le sol paternel. Et je suis sûre que si, un jour, l’un d’entre eux songeait à déserter le bien familial, l’ombre du grand-père martyr se dresserait devant lui pour lui crier : « Reste ici ! Reste ici ! Ne trouble pas le repos de ma tombe par l’abandon de ce que j’ai aimé jusqu’au sacrifice suprême ! Mon enfant, mon enfant, garde les souvenirs recueillis dans les jours d’enfance, les contours, les paysages immuables comme notre âme elle-même. Garde ces souvenirs qui, un jour, si tu pars, te poursuivront partout d’une hantise implacable. Mon enfant, reste ici, reste ici ! »… Et le petit-fils se rattachera à l’humble et douce existence des champs, et il restera sur la terre que l’ancêtre sublime a rachetée au prix de sa vie.