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conque. Il tomba, le fusil lui glissa des doigts et une balle vint le percer, bord en bord. La vie de cet homme était entre mes mains. Maintenant, que faire ?…

— Tu l’as fini d’un coup de pied, je suppose ! s’écria Jack, en pointant ses petits yeux méchants où passaient de terribles éclairs, et penchant en avant son corps ramassé dans l’attitude d’un homme frappant quelque invisible ennemi.

— Tu l’as laissé mourir là ? dit à son tour Jean-Louis.

— « Attendez. Le laisser mourir là… Oui, j’en ai eu l’idée. Je m’en cache pas. Tous les hommes à ma place auraient eu cette idée-là. Je n’avais qu’à passer mon chemin, qu’à faire comme si rien n’était. Il serait mort au bout de son sang, et j’aurais eu la première place auprès d’Elise. Ah ! oui, j’y ai pensé ; cela m’a trotté dans la tête !… Et c’eût été si facile !… Mais, des fois, il y a des forces qui sont au-dessus de nous. On dirait que les morts sont là, dans l’ombre, et que leur pensée nous protège et nous inspire. Il m’a semblé voir le fantôme de ma pauvre mère — une sainte femme — qui se penchait sur moi et me disait : « François, sauve-le ! Une