Page:Lamontagne-Beauregard - Au fond des bois, 1931.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— 150 —

Le vieillard se tut. J’étais, à mon tour, émue et bouleversée. Une émotion intense m’envahissait. Quelles paroles aurais-je pu dire à cet homme plongé dans sa douloureuse croyance ? Aucune phrase, j’en étais sûre, aucun artifice ne pouvait jeter un baume sur cette plaie profonde, sur ce cœur qui aimait son mal et n’en voulait pas guérir…

Je repris ma route, l’esprit hanté d’étranges impressions. Ce récit me laissait songeuse et perplexe. Le vers célèbre de Lamartine me revint alors à la mémoire : « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? »

J’étais troublée par le mystère de cette vieille horloge devenue tout à coup silencieuse et cessant subitement de vivre comme un cœur qui se refroidit. Et je me disais : « Qui sait ? Qui sait ? C’est peut-être vrai qu’elle pleure la mort de sa maîtresse, qu’elle souffre de ne plus voir cette aimable petite vieille aux cheveux en bandeaux qui, à toute heure, se penchait vers elle et lui souriait. Dieu permet peut-être ces amitiés entre les êtres et les choses pour marquer davantage la grandeur des humbles vies, où tout est régulier et fidèle comme le tic-tac de l’horloge… »