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Mais la parole lui est toujours facile. Il parle de ses tristesses, de son ennui, de son deuil. C’est là la grande obsession de ses vieux jours.

Il me salua avec un « Bonjour mon enfant ! » et un sourire où se lisait le plaisir éprouvé par cette rencontre inattendue. J’avais déjà reçu ses confidences. Je m’attendais à quelque effusion. Ne sachant plus depuis combien de temps je marchais je lui demandai de me dire l’heure. — « Ah ! oui, dit-il, j’peux te dire cela par le soleil. Tu sais, autrefois, dans mon jeune temps, y avait pas d’horloge. C’était le jour qui nous guidait. J’peux te dire cela par le soleil. Il est à peu près midi moins vingt. Dans la maison, j’ai une horloge mais c’est comme si j’en avais pas… Elle ne marche pas depuis un an. Entre un peu, ma fille, j’vas te conter son histoire. Il n’est pas encore midi. Viens t’asseoir un peu »…

Tout en parlant le vieillard m’entraînait dans la cuisine et me montrait la vieille horloge, immobile sur sa corniche de bois brut où pendait une dentelle en papier à jour. C’est une horloge haute de plusieurs pieds, brune, presque noire, dont la tête pointue est surmontée de deux petits clo-