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vague. L’un d’eux, tout à coup, se mit à battre la terre de ses sabots, en fixant le jeune homme immobile. Il secouait les cornes avec violence tandis que ses coups de pattes creusaient le sol en soulevant un nuage de poussière. Il baissait le mufle, mouillait l’herbe de sa bave et rugissait horriblement. Puis, soudain, tremblant de fureur, la bête enragée bondit en galopant vers Pierre, qui, fou de peur, ne cherchait pas à fuir. D’un coup d’œil Angèle avait tout vu. Vive comme l’éclair, en criant : « Pierre, Pierre sauvez-vous ! » elle s’élança au-devant de l’animal, et le saisissant par les cornes, d’un coup de bras formidable le fit dévier de sa course. Mais hélas ! ne pouvant plus reprendre son équilibre, l’héroïque servante roula sous les sabots du taureau furieux, qui la mutila affreusement. Quand on la releva, elle avait cessé de vivre.

Angèle fut longtemps pleurée par ses maîtres. Et plusieurs fois, Pierre Saint-Amand alla déposer sur sa tombe un gros bouquet de fleurs rustiques, en souvenir des jours heureux d’autrefois, où la brave fille chassait pour lui les papillons et cueillait dans les champs fleuris le trèfle, la marguerite et les boutons d’or…