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maison paternelle. Un livre sous le bras, s’arrêtant parfois, soit pour lire, soit pour méditer, il parcourait la campagne et traversait les sentiers âpres et tortueux de la forêt, que le ciel de fin d’été baignait d’une languissante lumière. Il s’empressait de respirer à pleins poumons l’air résineux qui monte de ces régions intactes et vierges, dont nul sifflet de locomotive n’a encore percé les profondeurs. Rêvant en face de la grande nature qui impressionnait son âme chaste, il songeait à la vocation entrevue devant faire de lui un aide de Dieu, un homme voué au bien et au beau. Et l’essaim des idées sublimes se levait en lui comme un vol de papillons au-dessus de la plaine…

Le soir tombait. Angèle ramenait ses vaches dans les herbages, entre les buissons déjà roussis par les fraîcheurs nocturnes. Pierre, arrivant d’une longue marche dans les bois, s’était appuyé à la clôture pour regarder le ciel gonflé de nuages et les monts qui se couvraient d’une gaze violette.

Près du chemin de culture, libres dans l’herbe haute, des bœufs ruminaient tranquillement, jetant dans le vide leur regard