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ment des feuilles dans le lugubre vent d’automne. Puis, ce serait l’hiver étendant sa grande nappe de neige qui recouvre tous les brins d’herbe, toutes les plantes, et ne laisse rien de vivant. Des hommes et des femmes étaient aux champs, occupés à mettre dans des charrettes, au moyen de longues fourches, les masses de tiges mûres et coupées, que des chevaux traînaient dans les ornières, vers les granges.

L’air sentait le bois brûlé, car, çà et là, des habitants allumaient des feux d’abatis. Du côté de la mer, le vent soulevait des odeurs de varech, de poisson et de goudron. Des goélettes aux voiles froissées, suintant la pluie et la brume, étaient amarrées au quai, et des hommes, marchant sur une passerelle, les allégeaient de leur charge de caisses et de barils pleins de provisions, venant des villes. On entendait des voix, des cris, des commandements, des bruits de ferrailles, des grincements de poulies le long des mâts. C’était une exubérance de vie, un regain d’ardeur avant la mollesse et le repos de l’hiver.

Pierre Saint-Amand, le grave séminariste, goûtait en secret ses derniers jours de vacances avant de quitter de nouveau la