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CONTRIBUTIONS

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Après avoir dénoncé, dans sa séance du 17 juin 17S*I, l’illégalité de toutes les contributions levées par le roi sans l’assentiment de la nation, L’Assemblée nationale abolit successivement les gabelles (26 mars 1790), ainsi que les aides et autres droits ressortissant à la régie générale (lois 19-25 févr. 1791 et °2-17 mars 1791). Mais la grande assemblée réformatrice n’avait pas calculé toute la portée de cette résolution généreuse. En supprimant les impôts de consommation, on donnait satisfaction aux doctrines des pbysiocrates, mais, du même coup, on retranchait du budget les ressources dont la France avait le plus pressant besoin, pour se défendre contre la formidable coalition des puissances étrangères. Aussi, le Directoire se vit-il contraint de rétablir, d’abord, le monopole des poudres et salpêtres, puis le droit des cartes à jouer, le droit de marque et de garantie des objets d’or et d’argent, le droit de fabrication des tabacs, en même temps qu’il imposait une taxe du dixième du prix des places, aux voyageurs transportés par les voitures publiques. Le retour aux institutions du passé allait, dès lors, s’accentuer de plus en plus. A la veille de l’Empire, une loi du 5 ventôse an XII (25 févr. 1804) rétablit, sous le nom d’inventaire, la contribution des aides : la taxe créée par cette loi consistait en un droit de 40 cent, par hectol. de vin et de 11) cent, par hectol. de cidre, perçu chez les propriétaires récoltants, d’après l’importance des manquants constatés lors des récolements annuels. A cette taxe d’inventaire, la loi du 24 avr. -1806 ajouta un droit de 5 °/ sur les ventes en gros de vins et de cidres et un droit de 10 °/ sur les ventes au détail. Ces deux nouvelles contributions entraînaient, comme conséquences directes, le droit à la circulation, à savoir la délivrance d’une expédition à chaque transport de boissons, et, d’autre part, les formalités de la visite et de l’exercice chez les débitants, distillateurs et marchands en gros. En 1808, l’inventaire fut supprimé et le droit de circulation, cessant de constituer une taxe ad valorem, fut converti en droits fixes. Les droits d’entrée firent, en outre, leur apparition. La loi du 25 nov. 1808 imposa à la bière un droit de fabrication. Enfin, les eaux-de-vie qui, précédemment, n’acquittaient que le droit insignifiant de 1 fr. 20 par hectol. durent payer, en vertu du décret du 12 oct. 1812, le droit de détail de 13 °/ exigé des débitants. Ces dispositions éparses furent réunies et coordonnées par la loi du 28 avr. 1816, qui constitua le code des contributions indirectes et dans laquelle sont formulés tous les principes généraux de la matière. De ce jour, les impôts indirects ont repris, sous notre système fiscal, la place prépondérante qu’ils occupaient avant la Révolution. Les économistes et les théoriciens ont le droit de s’en plaindre ; mais il y aurait mauvaise grâce à renchérir sur les inconvénients d’une institution fiscale qui fonctionne aujourd’hui sans froissement, grâce à la modération et au tact des préposés, et dont le produit important a permis aux pouvoirs publics de réparer les désastres de l’invasion étrangère, à deux reprises diffétentes, en 1816 et en 1871.

La législation sur les contributions indirectes a été plus ou moins profondément remaniée, depuis le code de 1816, par une longue série de lois modificatrices ou complémentaires. Citons : la loi du 24’ juin 1824, qui convertit les droits de circulation et de détail sur les alcools en une taxe unique de consommation ; la loi du 21 avr. 1832 qui a établi, pour les villes de 4,000 âmes et au-dessus, une taxe d’entrée, en remplacement des droits de détail, de circulation et de licence ; les lois du l or sept. 1871 et du 31 déc. 1873, qui ont majoré, dans une proportion sensible, les droits de circulation et d’entrée, ainsi que le droit de consommation des alcools ; les lois du 26 mars 1872 et du 19 juil. 1880 qui ont assimilé aux alcools, quant à l’exigibilité et au turil du droit de consommation, les liqueurs et les fruits a l’eau-de-vie ; la loi du 2 août 1872 qui avait soumis les bouilleurs de cru à l’exercice, et celle du 14 déc. 1875 qui leur a rendu leur privilège. Il faut mentionner aussi la loi du 9 juin 1875 qui a rendu obligatoire, pour les villes de 10,000 âmes et au-dessus, le régime de la taxe unique qui était facultatif sous l’empire de la loi du 21 avr. 1832. Nous n’insisterons pas autrement sur cette notice historique. Ce qu’il importe de retenir, c’est que, actuellement, l’administration des contributions indirectes est chargée de recouvrer : les droits de circulation, de détail et d’entrée sur les vins, cidres et bières ; le droit de consommation et d’entrée sur les alcools ; la licence imposée aux débitants et autres industriels placés sous la surveillance de la régie ; la taxe sur les vinaigres et l’acide acétique ; le droit d’entrée sur les huiles végétales ; le droit de fabrication des huiles minérales ; la taxe sur les sucres indigènes ; le droit sur la stéarine et les bougies ; l’impôt des deux dixièmes sur les transports par les voitures publiques et par les chemins de fer en grande vitesse ; le droit de fabrication sur la dynamite ; le droit sur les cartes à jouer ; le droit de garantie des marques de fabrique ; les droits de marque et de contrôle des objets d’or et d’argent ; le produit des bacs et des redevances pour la pèche fluviale ; le droit de 50 cent, des acquitsà-caution, sans parler du monopole de la vente des tabacs et des poudres de chasse, de mine ou de commerce. La régie des contributions directes exerce, en outre, une surveillance sur les octrois municipaux, et elle encaisse les frais de casernement dus à l’Etat par les communes. Le cadre de cet article ne permet pas de consacrer une analyse spéciale à chacune de ces taxes qui ont, d’ailleurs, pour la plupart, leur monographie distincte (V. Roisson, Huile, Tarac, Transport, etc.).

Au point de vue du mode de recouvrement, les contributions indirectes se distinguent en droits au comptant et en droits constatés. Les droits au comptant sont ceux dont le contribuable effectue le payement, au moment même ou il accomplit les formalités préalables à l’expédition : tel est, notamment, le droit de circulation perçu par le buraliste lors de la délivrance d’un congé. Les droits constatés s’entendent des taxes acquises au Trésor par suite d’un engagement du redevable ou de l’exercice opéré chez l’assujetti, et dont la rentrée ne s’opère qu’ultérieurement à une époque plus ou moins éloignée de la constatation. Il faut classer dans cette dernière catégorie les droits de détail dus par les débitants non abonnés dans les villes rédimées et dans les campagnes : ces droits sont constatés au fur et à mesure de la vente des boissons, par voie d’exercice, c.-à-d. au moyen des vérifications auxquelles il est procédé par les agents des contributions dans les débits de vins, à des intervalles périodiques. Le système de l’exercice est appliqué, d’une manière permanente, aux distilleries ou établissements quelconques qui produisent ou rectifient l’alcool. Il existe dans les usines de cette nature un poste de préposés de la régie, en service de jour et de nuit, qui exercent le contrôle sur toutes les opérations de l’établissement, de manière à prévenir tout détournement frauduleux des produits fabriqués. Toutetois, cette règle n’est rigoureusement appliquée qu’aux grandes distilleries de mélasses et de graisses. Elle comporte de notables atténuations en ce qui concerne les distilleries agricoles et les bouilleurs de vins. Le payement des droits acquis à la régie est garanti par un privilège sur tous les meubles et effets mobiliers des redevables (art. 47, décret du 1 er germinal an XIII). Ils sont recouvrés par voie de contrainte décernée par le directeur ou le receveur de la régie, et rendue exécutoire par le juge de paix. L’exécution de la contrainte, par toutes les mesures coercitives de droit commun, ne peut être interrompue que par un exploit d’opposition contenant assignation de la régie devant le tribunal civil de l’arrondissement. L’instruction du procès a lieu sans plaidoiries, par simples mémoires respectivement signifiés. Le jugement est sans appel et ne peut être attaqué que par voie de cassation. L’action du Trésor en payement des droits encourt la prescription faute d’avoir été exercée dans le délai d’un an à compter de l’exigibilité de l’impôt.