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causes réelles ; et l’observateur qui s’est imaginé que les démonstrations et professions publiques des partis, l’ont mis en possession de leurs vrais motifs et vues, est surpris de trouver, après avoir observé les choses de plus près, combien il a été trompé par les fausses couleurs sous lesquelles ils ont été dans l’habitude de combattre. Il n’est pas, à la vérité, surprenant que chaque parti ait pratiqué, en ce cas, plus que les fraudes ordinaires de langage, par lesquelles les factions dans tous les pays cherchent à s’assurer la sympathie des autres sociétés. Une querelle basée sur le simple fondement d’animosités nationales parait si révoltant aux notions de bon sens et de charité qui règnent dans le monde civilisé, que les partis qui sentent une telle passion avec le plus de force et s’y livrent le plus ouvertement, prennent beaucoup de soin de se classer sous toutes autres dénominations, que celles qui désigneraient correctement leurs objets et leurs sentiment. Les Canadiens-Français ont essayé de cacher leur hostilité contre l’influence de l’émigration Anglaise, et l’introduction des institutions Britanniques, sous le déguisement d’une guerre contre le gouvernement et ses appuis, qu’ils représentaient être un petit nœud de dépendants corrompus et insolents ; étant une majorité, ils ont invoqué les principes du contrôle populaire et de la démocratie, et ont appelé avec assez d’effet aux sympathies des politiques libéraux de toutes les parties du monde. Les Anglais voyant leurs adversaires en collision avec le gouvernement, ont élevé le cri de la loyauté et de l’attachement à la connexion britannique et dénoncé les vues républicaines des Français, qu’ils désignent, ou plutôt qu’ils avaient coutume de désigner sous l’appellation de radicaux. Ainsi les Français ont été regardés comme le parti démocratique, combattant pour la réforme ; et les Anglais comme une minorité conservative, protégeant la connexion menacée avec la Couronne Britannique et l’autorité suprême de l’Empire. Il y a de la vérité dans cette notion, sous le rapport des moyens par lesquels chaque parti essayait d’effectuer ses propres idées de gouvernement. La majorité Française émettait les doctrines les plus démocratiques sur les droits d’une majorité numérique. La minorité Anglaise profita de la protection de la prérogative, et s’allia avec toutes celles des institutions coloniales, qui mettaient le petit nombre en état de résister au grand nombre. Mais lorsque l’on regarde aux objets de chaque parti, l’analogie avec notre propre politique paraît se perdre, sinon complètement renversé ; les Français paraissent avoir employé leurs armes démocratiques pour des fins conservatives, plutôt que pour celles du mouvement libéral