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LE MANDARIN.

point destiné à remplir près du peuple chinois la même mission que votre aïeul ? L’homme est le vaisseau qui porte l’idée.

— Votre parole résonne à mon oreille, reprit Pé-Kang, mais votre pensée m’échappe.

Durand poursuivit :

— Depuis deux mille ans la Chine est matérialiste, et depuis deux mille ans elle reste stationnaire ; vous ne sauriez le nier vous qui prêchez actuellement la morale et l’exemple des hommes du passé. Pour marcher il faut un but, et vous n’en avez pas ; vous perdez chaque jour vos derniers mobiles d’action. L’homme ne s’intéresse à l’avenir que quand le milieu l’entraîne a la conquête de désirs nouveaux. Les chrétiens ont vaguement entrevu ce principe, mais ils n’ont pu l’affirmer comme nous ; aussi leur ciel banal, qui n’attire que les pauvres d’esprit et les oisifs, est-il de plus en plus dédaigné par la foule intelligente et active. Pour convertir un peuple incrédule et lui faire entrevoir le but dont je parle, ce ne sont point des mystères qu’il faut lui proposer, mais une certitude im-