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LE MANDARIN.

démener comme des polichinelles, j’interdis, de par mon autorité de propriétaire, toute exposition d’idées philosophiques, politiques, sociales, morales et fatales à mon bateau !

Didier et Lefranc protestèrent d’une façon plaisante.

— Je suis inflexible, répondit Martial.

— Assieds-toi, nous nous rendons, reprit Lefranc ; la richesse t’a corrompu.

— Comment cela ?

— Je m’explique ! — Et Lefranc ajouta d’un ton goguenard : — Autrefois, messieurs, j’avais pour ami un garçon aimable, dévoué, toujours prêt à verser son escarcelle vide dans la main de ses camarades ; il s’appelait Martial. Son nom disait son caractère : il était brave, enthousiaste et sans cesse disposé à pourfendre l’injustice. Il possédait un beau talent sympathique a tous. Depuis que les vents propices lui ont apporté un canot, il dédaigne son art et ne broie des con leurs que pour peinturlurer sa nacelle. Les richesses l’ont corrompu ! Il est devenu insolent, paresseux, mauvais camarade, tyrannique et…