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L’enfant, l’aîné de la famille, passa comme un coup de vent, se dirigeant vers une maison du voisinage où devait être la mère absente du logis. De la fenêtre et de la porte entr’ouvertes, sortaient en jets continus d’épais nuages de fumées et de poussières grises.

Avec l’empressement que lui permettait son âge le vieillard se dirigea vers la demeure, il va pour entrer, mais s’arrête sur le seuil de la porte, terrifié par le triste spectacle de désolation qui frappe sa vue troublée. Une poussière âcre mêlée de vapeur l’empoigna à la gorge. Le plafond de crépi tout entier venait de s’effondrer dans la place écrasant et renversant tout sous son poids, sur la table brisée, gisaient vaisselle, beurre, confiture, dans un méli-mélo indescriptible. Sur le poêle, chaudrons, casseroles, mis sur le feu pour la cuisson des aliments, sont renversés et le bouillon, sur le feu, causait cette vapeur dont il est parlé plus haut.

Tout à coup le vieillard a tressailli d’horreur : ses yeux qui cherchent à percer la demi obscurité qui règne dans la cuisine, viennent d’apercevoir le jeune garçon, son ami de tous les jours. Il est là, gisant à demi courbé sur un lavoir, la tête noyé dans un bassin rempli d’eau, sur la tête un énorme morceau de crépi lui avait creusé une entaille profonde d’où le sang s’échappait abondamment. Il est là, incliné, sans mouvement, inconscient, se noyant petit à petit dans ce bassin rempli jusqu’au bord d’eau perfide. À ce spectacle navrant le petit vieillard va-t-il faiblir ? Non ! il décuple ses forces et il s’élance au secours du petit. Empoignant l’enfant il le traîne au grand air