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Pierre, tout interdit, s’arrête, écoute quelque temps cet être singulier à qui il prenait fantaisie de venir filer en pleine futaie, cet être fantastique entouré d’un cercle de fumée, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la bouche laissait échapper des décharges d’étincelles mêlées de fumée noire, chaque fois qu’il commençait ou achevait de chanter son refrain bizarre. Sous l’effet de la sensation éprouvée à cette apparition fantasmagorique, Pierre, avec mille précautions, s’éloigne en toute hâte de ce lieu maudit.

Ah ! ça, dit-il à sa femme en entrant : « Je viens d’être le témoin de la chose la plus incroyable, la plus surprenante que l’on puisse imaginer ». Et Pierre raconte à Madeleine tout ce qu’il venait de voir et d’entendre, n’omettant aucun détail de cette aventure extraordinaire, et il finit par lui chanter le refrain déjà connu :


La femme pour qui je file,
Si elle savait mon nom
Qu’elle serait heureuse mmmmmmm(Bis)
Brigolet, Brigolet mon nom mmmmmm(Bis)


Dès les premiers mots de Pierre, Madeleine avait prêté une grande attention au récit de son mari. Ce fut une véritable révélation et une grande joie pour elle, qui n’avait encore rien laissé voir de sa préoccupation intérieure, car elle avait soigneusement dissimulé à son mari le marché infâme conclu avec Satan. Plus de doute possible, l’étranger fileur de la forêt était son visiteur inconnu des jours passés ; son nom, Brigolet, elle le savait maintenant. Qui aurait jamais