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Tout de même, ça fait une rude émotion de voir les pères, les mères, les promises, qui pleurent, qui chantent, qui dansent, qui crient, quand les garçons sortent avec un plus ou moins bon numéro. À mon idée, il y a de quoi rendre malades ou folles, et ça se voit quelquefois, les fillettes vraiment attachées à leurs galants, d’ignorer ce que le sort leur réserve, et d’apprendre tout d’un coup que le promis part pour sept ans, peut-être pour toujours. Ceux qui ont de l’argent ne connaissent pas cette torture-là.

Il y a deux années, un fieu de Morlinval, fou de contentement, agitait au-dessus de sa tête, en haut du perron de la mairie, le numéro cent cinquante ; au lieu de descendre marche à marche l’escalier, il saute d’un saut jusqu’à sa promise et tombe devant elle sur le pavé, le front ouvert en deux. On a beau dire, nous avons à notre tour des émotions qui en dépassent d’autres.