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LE SIÉGE DE PARIS.

de nous éprouve comme un vertige… Nos sentiments, nos désirs, notre enthousiasme, se cherchent, se mêlent, s’unissent et ne font plus qu’un seul désir, un seul sentiment, un seul enthousiasme ! Notre existence, épurée au souffle du patriotisme, n’a plus rien de personnel ; elle devient entièrement collective, nationale. Ma voix ne m’appartient plus, elle sonne à mon oreille, vibre dans ma bouche, sans que je la reconnaisse. Je me sens comme dépossédée de moi-même ! Je suis ravie par cet être mystérieux qui unit et harmonise en soi tant de facultés différentes, tant de puissances diverses, tant d’éléments contraires, tant d’intérêts, tant de sentiments rivaux, tant de forces ennemies, et je l’aime plus que moi-même : mon amour pour la patrie est plus fort que la mort ! Je me donne à la France !

Des cris de joie venus de la rue Royale nous arrachent à notre extase. Nous sommes si émus que nous voulons secouer notre attendrissement. Je cours à la rue Royale. Au coin de la place de la Concorde, du haut du balcon d’un cercle,