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Salut, nouveau séjour où le temps m’a jeté,
Globe, témoin futur de ma félicité !
Salut, sacré flambeau qui nourris la nature !
Soleil, premier amour de toute créature !
Vastes cieux, qui cachez le Dieu qui vous a faits !
Terre, berceau de l’homme, admirable palais !
Homme, semblable à moi, mon compagnon, mon frère !
Toi plus belle à mes yeux, à mon ame plus chère !
Salut, objets, témoins, instruments du bonheur !
Remplissez vos destins, je vous apporte un cœur…
— Que ce rêve est brillant ! mais, hélas ! c’est un rêve.
Il commençoit alors ; maintenant il s’achève.
La douleur lentement m’entr’ouvre le tombeau ;
Salut, mon dernier jour ! sois mon jour le plus beau !
J’ai vécu ; j’ai passé ce désert de la vie,
Où toujours sous mes pas chaque fleur s’est flétrie ;
Où toujours l’espérance, abusant ma raison,
Me montroit le bonheur dans un vague horizon.
Où du vent de la mort les brûlantes haleines
Sous mes lèvres toujours tarissaient les fontaines.
Qu’un autre, s’exhalant en regrets superflus,
Redemande au passé ses jours qui ne sont plus,
Pleure de son printemps l’aurore évanouie,
Et consente à revivre une seconde vie :
Pour moi, quand le destin m’offrirait à mon choix
Le sceptre du génie, ou le trône des rois,
La gloire, la beauté, les trésors, la sagesse,
Et joindroit à ses dons l’éternelle jeunesse,