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D’ici je vois la vie, à travers un nuage,
S’évanouir pour moi dans l’ombre du passé ;
L’amour seul est resté : comme une grande image
Survit seule au réveil dans un songe effacé.

Repose-toi, mon ame, en ce dernier asile,
Ainsi qu’un voyageur, qui, le cœur plein d’espoir,
S’asseoit avant d’entrer aux portes de la ville,
Et respire un moment l’air embaumé du soir.

Comme lui, de nos pieds secouons la poussière ;
L’homme par ce chemin ne repasse jamais ;
Comme lui, respirons au bout de la carrière
Ce calme avant-coureur de l’éternelle paix.

Tes jours, sombres et courts comme des jours d’automne
Déclinent comme l’ombre au penchant des coteaux ;
L’amitié te trahit, la pitié t’abandonne,
Et, seule, tu descends le sentier des tombeaux.

Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime ;
Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours ;
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.