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J'ai cherché dans le ciel le jour de ta justice ;
Il s’est levé, Seigneur, et c’est pour mon supplice !
Gloire à toi ! L’innocence est coupable à tes yeux :
Un seul être, du moins, me restait sous les cieux ;
Toi-même de nos jours avais mêlé la trame,
Sa vie était ma vie, et son ame mon ame ;
Comme un fruit encor vert du rameau détaché,
Je l’ai vu de mon sein avant l’âge arraché !
Ce coup, que tu voulais me rendre plus terrible
La frappa lentement pour m’être plus sensible ;
Dans ses traits expirants, où je lisais mon sort,
J’ai vu lutter ensemble et l’amour et la mort ;
J’ai vu dans ses regards la flamme de la vie,
Sous la main du trépas par degrés assoupie,
Se ranimer encore au souffle de l’amour !
Je disais chaque jour : Soleil ! encore un jour !
Semblable au criminel qui, plongé dans les ombres,
Et descendu vivant dans les demeures sombres,
Près du dernier flambeau qui doive l’éclairer,
Se penche sur sa lampe et la voit expirer,
Je voulais retenir l’ame qui s’évapore ;
Dans son dernier regard je la cherchais encore !
Ce soupir, ô mon Dieu ! dans ton sein s’exhala ;
Hors du monde avec lui mon espoir s’envola !
Pardonne au désespoir un moment de blasphème,
J’osai… Je me repens : Gloire au maître suprême !
Il fit l’eau pour couler, l’aquilon pour courir,
Les soleils pour brûler, et l’homme pour souffrir !