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mais il faut que je reste ici pour faire mon devoir, pour servir de servante à votre mère et de sœur ou de… à Gratien ! » Elle ne put jamais dire le mot de femme !

Elle fondit en larmes à ces mots et se sauva dans le grenier à foin pour pleurer tout le jour. On l’entendait sangloter de la maison à travers les claies du plancher.

Alors ma mère vint à son tour et me dit : — Claude, je t’avais dit qu’il fallait vous fiancer, Denise et toi. Je croyais que c’était la volonté de Dieu et le bien de la maison ; mais je vois bien que ce serait une faute que le bon Dieu punit, et que ça ferait le malheur de celui qui est déjà le plus malheureux de tous, de mon pauvre Gratien ! Il aime Denise autant que toi, vois-tu peut-être encore davantage, parce qu’elle n’est que ton plaisir, et qu’elle est sa lumière, à lui ! Que veux-tu faire ? Veux-tu que ton frère n’ait plus de bâton vivant toute sa vie pour conduire ses pas, et qu’il tombe à chaque pas dans le creux des chemins ou dans le creux de son cœur ? Ou bien veux-tu sentir toujours là, tout seul, au coin du foyer de la maison, un malheureux dont