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fiantes appuyées à côté les unes des autres sur mes genoux, et ces yeux qui échangent tant de choses non dites mais comprises avec les miens ! Ah ! je vous réponds, monsieur, que vous ne pourriez pas m’en vouloir d’aimer aussi ces pauvres bêtes ; car l’amour vaut l’amour, monsieur, de si haut et de si bas qu’il vienne. Est-ce que Dieu ne permet pas que nous l’aimions, monsieur ? Est-ce qu’il y a plus loin de mes chèvres à moi que de moi au bon Dieu ?

Et puis, quand même on me dirait que c’est niais d’aimer les bêtes du bon Dieu et de les rendre heureuses dans leur pauvre condition, c’est plus fort que moi, je n’y pourrais rien. Le cœur est comme l’eau, il coule où il veut.

Mais ne croyez pas que ce soit encore là toute ma simplicité, monsieur ; j’en ai bien d’autres. Croiriez-vous que, non content de me sentir cette tendresse et cette compassion pour les bêtes qui remuent, qui sentent et qui ont une âme de leur condition, je m’en sens aussi pour ces arbres, pour ces plantes, pour ces mousses qui ne remuent pas, qui ne paraissent pas penser, mais qui vivent et qui meurent là, autour de moi sur la terre, et principalement pour celles que j’ai connues, comme ces fougères, comme