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sous ses ordres ; il leur annonça que le roi passerait dans la nuit aux portes de Stenay et serait le lendemain matin à Montmédy ; il chargea le général Klinglin de préparer, sous le canon de cette place, un camp de douze bataillons et de vingt-quatre escadrons. Le roi devait habiter un château derrière le camp ; ce château servirait de quartier général. L’attitude du roi semblait plus convenable et plus sûre au milieu de son armée que dans une place forte. Les généraux ne témoignèrent aucune hésitation. M. de Bouillé laissa à Stenay le général d’Hoffelizze avec le régiment de Royal-Allemand ; ce général avait ordre de faire seller, à l’entrée de la nuit, les chevaux de ce régiment, de le faire monter à cheval à la pointe du jour, et d’envoyer à dix heures du soir un détachement de cinquante cavaliers entre Stenay et Dun, pour attendre le roi et l’escorter jusqu’à Stenay.

À la nuit, M. de Bouillé partit lui-même à cheval de Stenay avec quelques officiers ; il s’avança jusqu’aux portes de Dun, où il ne voulut pas entrer, de peur que sa présence n’agitât le peuple. Il attendit là, en silence et dans l’ombre, l’arrivée du courrier qui devait précéder d’une heure les voitures. Les destinées d’une monarchie, le trône d’une dynastie, les vies de toute une famille royale, roi, reine, princesse, enfants, pesaient sur son âme. Cette nuit durait un siècle pour lui ; elle s’écoulait cependant sans que le galop d’un cheval sur la route vînt annoncer à ce groupe caché sous des arbres que le roi de France était sauvé ou perdu !