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les drapeaux d’honneur donnés aux Suisses par les départements que ces triomphateurs viennent de traverser. Les hommes du 14 juillet, par l’organe de Gonchon, agitateur du faubourg Saint-Antoine, annoncent que ce faubourg fait fabriquer dix mille piques pour défendre la liberté et la patrie. Cette ovation légale offerte par les Girondins et par les Jacobins à des soldats indisciplinés autorisait le peuple de Paris à leur décerner le triomphe du scandale.

Ce n’était plus le peuple de la liberté, c’était le peuple de l’anarchie ; la journée du 15 avril en rassemblait tous les symboles. La révolte armée contre les lois pour exemple ; des soldats mutinés pour triomphateurs ; une galère colossale, instrument de supplice et de honte, couronnée de fleurs pour emblème ; des femmes perdues et des filles recrutées dans les lieux de débauche, portant et baisant les débris des chaînes de ces galériens ; quarante trophées étalant les quarante noms de ces Suisses ; des couronnes civiques sur les noms de ces meurtriers des citoyens ; les bustes de Voltaire, de Rousseau, de Franklin, de Sidney, des plus grands philosophes et des plus vertueux patriotes, mêlés avec les bustes ignobles de ces séditieux, et profanés par ce contact ; ces soldats eux-mêmes, étonnés sinon honteux de leur gloire, marchant au milieu d’un groupe de gardes-françaises révoltés, autre glorification de l’abandon des drapeaux et de l’indiscipline ; la marche fermée par un char imitant encore par sa forme la proue d’une galère ; sur ce char la statue de la Liberté, armée d’avance de la massue de septembre et coiffée du bonnet rouge, symbole emprunté à la Phrygie par les uns, aux bagnes par les autres ; le livre de la constitution porté processionnellement dans cette fête, comme pour y assister aux hommages dé-