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cadavres. On balaye le sang dans l’égout du palais. On traîne les restes mutilés dans la Glacière ; on la mure, on y scelle la vengeance du peuple. Jourdan et ses satellites offrent l’hommage de cette nuit aux médiateurs français et à l’Assemblée nationale. Les scélérats de Paris admirent ; l’Assemblée frémit d’indignation et reçoit ce crime comme un outrage ; le président s’évanouit en lisant le récit de la nuit d’Avignon. On ordonne l’arrestation de Jourdan et de ses complices. Jourdan s’enfuit d’Avignon. Poursuivi par les Français, il lance son cheval dans la rivière de la Sorgue. Atteint au milieu du fleuve par un soldat, il fait feu sur lui et le manque. Il est arrêté et garrotté. Le supplice l’attend. Mais les Jacobins imposent aux Girondins l’amnistie pour les crimes d’Avignon. Jourdan, sûr de l’impunité et fier de son crime, y reparaît pour immoler ses dénonciateurs.

L’Assemblée frémit un moment à la vue de ce sang, puis elle se hâta d’en détourner les yeux. Dans son impatience de régner seule, elle n’avait pas le temps d’avoir de la pitié. Il y avait d’ailleurs entre les Girondins et les Jacobins une émulation d’emportement et une rivalité à tenir la tête de la Révolution, qui faisait craindre à chacun de ces deux partis de laisser prendre le pas à l’autre. Les cadavres mêmes n’arrêtaient pas : des larmes trop prolongées auraient pu passer pour faiblesse.